
Mektoub my glaires
J-1 Cannes 2018
07.05.18 - par William Robin
6H39 : Départ pour Cannes avec une halte en Ardèche du Nord à prévoir. Dans le temps bleu et flamme, le train file et je songe à cette expérience à venir. Chaque année par habitude, n'ayant jamais mis les pieds au “plus grand festival de cinéma du monde”, je publiais depuis mon matelas, sarcastiquement, la chronique de la haine ordinaire (lien) de Pierre Desproge : “Cannes” dans laquelle ce dernier nous dit qu'on peut y côtoyer les “plus hautes incompétences artistiques internationales” ovationnées par des “Spectateurs professionnels “. L'évanescence du désarroi tape aux carreaux, prière pour que les anges de Kinoks veillent sur moi.
8H10 : Gare de Perrache. Rien ne m'indique que Cannes existe. Rien ne m'indique non plus que la grève existe. Pourtant les deux sont là, quelque part. Des messages me font savoir que la police s'en prend aux amis étudiants venus faire une assemblée générale sur le campus des quais du rhône. Ce n'est plus le désarroi mais la culpabilité qui casse la vitre. Le vent glacé de la honte. Quelle cohérence y a t’il à continuer de voir et faire du cinéma quand l'heure est à l'organisation de la lutte ? Réaliser un film ça n'est pas faire la révolution, c'est peut être tout au mieux la rendre désirable aux yeux de quelques convaincus. Restant sur la croisette de Mardi 8 à Samedi 12 je n'aurai pas l'occasion de voir le nouveau film de Stéphane Brizé En guerre. Sa bande annonce semble déjà trahir l'inconscience politique effroyable dont avait déjà fait preuve le cinéaste dans La loi du marché. Vincent Lindon sera encore une fois le héro plus prolétaire que le prolétariat mais qui contrairement à lui, fait passer la morale avant la vie. Cette croyance, véritable appui de l'exploitation ambiante, devient dans l'oeuvre une des pires irresponsabilité artistique qui soit.
Une dame tousse de glaires grasses derrière moi, est ce plus pénible pour elle ou pour les autres ? Arrivera t’elle à réveiller le Michele Apicella qui sommeil en moi ?
14H42 : Le planning est bouclé. J’observe impuissant la présence au Marché du film (inaccessible pour moi) de deux oeuvres très importantes qui vont sortir cette année : I Feel Good de Gustave Kervern et Benoît Delépine, Au Poste ! De Quentin Dupieux. Affaire à suivre.
17H46 : Je reçois la confirmation que je vais pouvoir assister à la projection du premier film Egyptien Yomeddine en Soirée de Gala à 18H30 Mercredi. “En uniforme de carcan sombre” je monterai donc, dans l’extase de la foule au “teint brun caca” sur l'inénarrable tapis rouge, les marches du palais des festivals. Dans l’air angoissée des selfies impossibles nous irons rencontrer ce jeune lépreux traversant l’Egypte à travers le prisme de ce film très prometteur.
18H12 : J'ai encore le bruit des glaires dans la tête, je vais au cinéma voir le dernier Kechiche, comme un échauffement.
22H38 : Mektoub my love : Canto Uno, est une oeuvre d’une rare violence. Kechiche déclare la guerre aux corps des femmes, ce qui était de l’audace est devenu de la haine. Le talent ne devrait jamais aboutir à de tels jeux entre le vulgaire et le sublime, ce n’est pas honnête. Comme si le génie incontestable de ce cinéma pourrissait par le coeur. Bonne nuit.