
CANNES 2018
William Robin, rédacteur pour Ikkons, est notre envoyé spécial à Cannes cette année, il vous livre son avis quotidiennement sur les films qu'il aura eu l'occasion de voir ! On en parlera aussi dans le numéro 3 d'Ikkons, prévu pour Juin.
J-1 : Mektoub my glaires
6H39 : Départ pour Cannes avec une halte en Ardèche du Nord à prévoir. Dans le temps bleu et flamme, le train file et je songe à cette expérience à venir. Chaque année par habitude, n'ayant jamais mis les pieds au “plus grand festival de cinéma du monde”, je publiais depuis mon matelas, sarcastiquement, la chronique de la haine ordinaire (lien) de Pierre Desproge : “Cannes” dans laquelle ce dernier nous dit qu'on peut y côtoyer les “plus hautes incompétences artistiques internationales” ovationnées par des “Spectateurs professionnels “. L'évanescence du désarroi tape aux carreaux, prière pour que les anges de Kinoks veillent sur moi...
J0 : Avant que Pierrot ne perde sa folie
10H30 : Départ pour Cannes. Y'a plus de ciel , plus de flammes. Le Kechiche était quand même brillant mais putassier et je n’aurai aucun film avant demain matin pour me laver de ses images. Tout le monde parle de l'anniversaire de 68, de l’annulation du festival. Pourvu qu'il y ai des choses à raconter c'est l'essentiel, même si force est de constaté qu'un film vaut toujours plus qu'un discours, ne serait ce que pour sa dimension collective. Mais il n'y pas que cet hommage cette année à Cannes, Il y a Le Grand Bleu (1988), de Luc Besson, et c'est bien pour ce genre de choses que parfois les mouvements révolutionnaires s'embrasent...
J1 : Vers les étoiles
6H39 : Un moustique m'a dévoré toute la nuit, piqué deux fois dans le cou. Espérons que ça ne gonfle pas anormalement d'ici la montée des marches ce soir.
7H19 : En route pour le cinéma, il fait pas très beau dehors, j'espère que la pluie oubliera de tomber.
8H37 : Je suis dans la salle, on m'a pris ma bouteille d'eau à l'entrée, tragique affaire, à suivre...
J2 : Tous les chants de l'Été
7H05 : Le visage aussi gris que le temps. Je pénètre dans la fadeur du jour. Les limbes ont envahi l'espace, pourtant il va falloir émerger et se diriger le Théâtre Debussy pour la projection d'un film de la compétition officielle.
10H55 : Leto est un film parfaitement magnifique, une grande œuvre qui résiste à la gueule de bois. Palme du cœur.
11H49 : Je ne suis pas rentré pour le film de Nicloux. Insupportable festival où les voitures officielles sont prioritaires sur les ambulances. Toi qui fut inventé pour défier le festival fasciste te voilà trahi en ton âme...
J3 : De la guerre froide à la coupe du monde, ne vivent que les silences
07H23 : Hier j'ai peu écrit, la fatigue a eu raison de moi. J'aurais voulu vous parler du sandwich à l'agneau (que je pensais au veau) à midi, aux gens insupportables des files d'attente, du gars qui vend Libération haut et fort, de Michel Denisot et de la décomposition du cinéma de fiction français. Mais on verra ça plus tard.
10H09 : Zimna Wojna est vraiment fade. La seule guerre froide du film est celle déclarée au spectateur. Palikowski enfonce toutes les portes de l'évidence avec une subtilité que l'on pourrait confondre avec de l'insignifiance. Les cadres magnifiques sont toujours là et on peut tout de même saluer le premier quart d'heure du film qui est remarquable. Une grande déception, espérons qu'il ne s'enfonce pas plus loin dans le couloir de l'oubli...
J4 : Les absents ont eu raison
07H17 : Direction Le livre d'image , comme une dernière ligne droite, un dernier souffle avant de s'en aller.
10H17 : Le livre d'image est magnifique. Une très belle œuvre d’exploration, comme un long poème rhapsodique d'une intensité très rare. C'est tout de même le plus âgé des cinéastes de la croisette qui propose le film le plus révolutionnaire et le plus enclin à penser l'acte révolutionnaire. Du chaos naissent des images, des fragments de sublime, Jean-Luc Godard en a fait un livre , une joyeuse symphonie, une fleur d'étincelles dans les champs morts de la résignation.